30. Rue du Lavoir
Querton parti, mes deux gendarmes revenaient de leur sieste au premier étage. Je redistribuai les rôles.
– Amédé, cet après-midi tu t’occuperas de la salle. Et toi Hugo tu te chargeras de la cuisine. Que personne ne sorte, que personne n’entre. Quant à moi, je vais aller faire un tour dans le village, car j’ai une petite idée.
– Une idée ?
– Qui a fait le coup ?
Très enthousiastes, mes gendarmes. Très flatteurs aussi : d’une petite idée, l’O.P.J. Antoine Fabert aurait aussitôt la clé du mystère.
– Je ne sais pas encore qui, ni pourquoi, ni comment. Allez, à tout à l’heure, les gars.
Et je me dirigeai vers la boulangerie où j’espérais trouver la madame Bounette derrière sa caisse.
Elle y était, attendant tranquillement le client en lisant un magazine pour dames.
– Ah, monsieur le gendarme ! Les crottines que mon mari vous a apportées n’étaient pas à votre goût ?
– Oh lala, ne vous inquiétez pas pour les crottines de ce début d’après-midi. Elles étaient excellentes.
– Vous en voulez d’autres ?
– Non. Ce que je veux, c’est une information complémentaire.
– Si je peux vous être utile.
Je lui rappelai ce qu’elle m’avait dit le matin à propos de la victime traversant la place et se dirigeant vers la boulangerie, suivie, importunée par le monsieur aux cheveux frisés.
– Ils venaient d’où, à votre avis ? Quelle rue avaient-ils prise ?
– Bin, de par là.
– C’est-à-dire ?
– Bin, la rue du Lavoir.
– Qu’y a-t-il de spécial, rue du Lavoir ?
– Rien. C’est le village. Vous savez, rue du Lavoir, rue des Bois, rue des Champs ou rue des Rochers, c’est Bayencourt d’une manière ou d’une autre. Il y a ici une place et quatre rues.
– On ne peut rien faire de particulier, rue du Lavoir ?
– Avant, on pouvait y laver son linge, mais plus maintenant évidemment, quoiqu’on songe très prochainement à le restaurer, le lavoir. Plus pour la lessive, mais pour le patrimoine. Maintenant, ce qu’on peut y faire, rue du Lavoir… ?
– Rien ?
– Attendez, si ! Il y a la bouquinerie du père Pirolet, évidemment ! Oui, voilà ! Maintenant, ça me revient : monsieur Marou avait de vieux livres à la main. Il avait dû les acheter chez Jean Pirolet.
– Et après, par où sont-ils partis ?
– Ils sont allés vers la gauche. Certainement qu’ils ont pris la rue des Rochers. Le frisé suivait toujours.
– Je vous remercie, madame Bounette.
– Y a pas de quoi, monsieur le gendarme.
Et je me dirigeai vers la rue du Lavoir.
La bouquinerie était bien discrète. Seule une enseigne – une plaque de métal rouillé représentant un livre ouvert – indiquait la boutique, et encore, on hésitait à y entrer, car la façade n’avait rien du magasin. Heureusement la porte ouverte invitait le client potentiel. On pouvait déjà voir dans le couloir des livres contre les murs. Trois chats prenaient le soleil sur le palier.
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