Du pâté et une bonne bière ? Un jus de pomme et un chocolat de luxe ?
Cela ne vous aura pas échappé : le nom et l’effigie d’Arthur Rimbaud sont visibles sur de nombreux produits locaux. Si vous ne voulez plus placer sur l’étiquette un bout de sanglier, il vous suffit de prendre la frimousse d’adolescent de notre poète régional, et là, vous faites d’une pierre deux coups : d’un, vous confortez l’idée d’appartenance de nos Ardennais, et de deux, vous flattez la culture livresque des touristes de passage. Y a-t-il du mal à user de la figure d’un poète dans sa stratégie marketing ?
Pas vraiment ! Après tout, c’est de bonne guerre ! Seulement, qu’est-ce que notre poète maudit régional en tire, de toute cette épicerie ? Un peu plus de renom ? Ne plaisantons pas, il n’en a pas besoin. Qu’on utilise son prénom, son nom, son effigie, les seuls bénéficiaires, ce sont les ego des acheteurs et le porte-monnaie de vendeurs.
Pourtant, la moindre des choses serait d’offrir en bonus un ou deux vers du poète. Là, on pourrait parler de marketing bienveillant. Sur les étiquettes des bières Rimbaud ou de la Cuvée d’Arthur, on aimerait pouvoir lire un petit poème. Chaque variété de bière (blonde, brune, blanche, IPA) aurait son poème. Ou un nouveau poème quand il s’agirait de réimprimer de nouvelles étiquettes. Il semblerait qu’une édition de verres à bière pour la Cuvée d’Arthur porte une reproduction manuscrite d’un poème de Rimbaud. Belle initiative qu’il faut répéter partout ailleurs. Un petit poème (ou seulement quelques vers) rétribuerait un tant soit peu le poète.
ET ÇA FERAIT LIRE UN PEU PLUS NOS CONTEMPORAINS DU 08 !
Le Pressoir des Gourmands vend la Valise Rimbaud dont le contenu ne peut que ravir nos papilles : on y trouve de la bière, un confit, une terrine, un jus de pomme pétillant, un autre multi-fruits, un cidre. Ce coffret gastronomique offre aussi un verre pour contenir la plupart de ces liquides. Et c’est tout ! Dommage que l’on n’ait pas pris la peine d’insérer dans ce bagage quelques poèmes d’Arthur. Une petite plaquette avec de la poésie pour enchanter l’esprit quand le reste contente le ventre. Donc, ami(e)s des Lettres Ardennaises, quand vous rencontrerez une ‘Valise Rimbaud’, réclamez vos quelques poèmes avec la marchandise.
Du pâté ? Les vers de Au Cabaret Vert, cinq heures du soir
Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.
– Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. – Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
– Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure ! –
Rieuse, m’apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,
Du jambon rose et blanc parfumé d’une gousse
D’ail, – et m’emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré.
Une petite bière ? Les derniers vers de Roman
– Ce soir-là…, – vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade…
– On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.
Soyons gourmands, certes ! Ayons le sens du commerce, pourquoi pas ! Mais n’oublions pas les Lettres Ardennaises… Tout le monde y sera gagnant !
Jérôme Paul
PS : Il semblerait que Franz Bartelt et Johan De Moor se soient d’une autre manière préoccupés du problème avec la publication d’un petit livre paru en 2004 aux éditions Estuaire. Le titre de ce bouquin est éloquent : Terrine Rimbaud. Je n’ai pas eu l’occasion d’en prendre connaissance. Si vous en savez plus, laissez ci-dessous un message dans les commentaires. Merci…
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