21. Comment je vais faire pour vivre ?

 

L’élu local parti, j’allai regarder par la fenêtre de quel côté je commencerai ma promenade apéritive. J’avais envie de prendre l’air et de découvrir un peu le village.

– Chef ? fit de nouveau Amédé en ouvrant la porte de la cuisine.

– Qu’y a-t-il, gendarme Madédée ?

– Il y a que, maintenant, c’est l’autre client, monsieur Arlan, qui réclame son tour.

– Quel tour ?

– Celui d’aller faire un tour dans sa chambre.

– Pour quoi faire ? Il est depuis bien longtemps tout habillé.

– Il veut aller se rafraîchir et prendre un sachet de poudre pour protéger son estomac de la cuisine régional, a-t-il dit.

– Bon, d’accord. Gendarme Magogneau, accompagnez ce monsieur dans sa chambre, et ne le quittez pas des yeux.

Ils montèrent et je me remis à regarder par la fenêtre. Cela semblait simple. Autour de la place du village, il y avait pour ainsi dire presque tout : la mairie flanquée de l’école désaffectée, faisant face à l’église entourée du cimetière ; j’étais dans l’auberge et j’avais devant moi la boulangerie et la boucherie ; ici et là sur le pourtour, des habitations pour combler les vides entre les quatre rues et les bâtiments nommés. Il faisait beau. J’allai mettre mon képi quand j’entendis quelques gesticulations au premier étage, suivi immédiatement d’une voix beuglant :

– Au voleur ! Au voleur !

Cette fois j’allais attendre loin de l’escalier qu’Arlan déboule et se casse la figure. Il déboula, faillit manquer une marche, se rétablit de justesse, et n’en finissait pas de crier au voleur. Magogneau arriva de suite, manqua une marche et s’affala sur le client qui se tut, un peu sonné. Juste retour des choses. J’allai relever Hugo. Arlan se rétablit tout seul.

– Que se passe-t-il ? fit Amédé en passant une tête par la porte de la cuisine.

– Amédé, cuisine ! lançai-je à Madédée.

– Au voleur ! pleurnichait maintenant le Charles-Edouard Arlan. Au voleur !

– Encore un rêve ? demandai-je avec un peu de cynisme.

– Au voleur ! On m’a volé… on m’a volé…

– Que vous a-t-on volé ?

– Mon manuscrit. Celui qui doit être publié en septembre. Sans ce manuscrit, je suis foutu, je suis ruiné. Plus d’argent. Comment je vais faire pour vivre ?

– Vous avez bien une copie de ce manuscrit, chez vous à Paris, ou chez un notaire, ou à la banque.

– Non. Il n’y avait qu’un seul exemplaire. On me l’a volé. Je suis foutu.

Un vol de plus ou de moins, puisque la gendarmerie était là…

– Nous allons vous le retrouver, votre manuscrit. À quoi ressemblait-il ?

– Cinq cents pages, format A4, dactylographiées, comme d’habitude, quoi !

– Et quel en est le titre ?

– Le titre ? Pourquoi voulez-vous le titre ? Eh bien, c’est… c’est… Attendez… Je ne crois pas aux revenants. Quelque chose comme ça…

Et il se remit à pleurnicher. L’écrivain Charles-Edouard Arlan n’était pas fortiche pour ses titres.

– Nous allons faire notre possible, mais arrêtez de chougner.

– Il faut faire l’impossible. Si non, je suis foutu.

Je demandai à Magogneau de fourguer cette nouvelle victime à la cuisine et j’allai moi-même inspecter une nouvelle fois la chambre numéro 3, celle de l’écrivain célèbre, maintenant sans manuscrit.

 

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