40. Passé, présent, futur

 

Quand Hugo revint, Rose Alonde était déjà partie, me laissant la galette au sucre. Amédé ne tarda pas à sortir de la maison tenant un plateau avec trois verres et une bouteille de cidre maison. Je servis à mes gendarmes le goûter. Certes, nous étions toujours en service, mais le cidre, ce n’est pas vraiment de l’alcool, hein ! Surtout quand il est frais. Amédé entama son rapport comme s’il l’avait déjà commencé :

– Alors le collègue de l’autre brigade s’est approché du coffre-fort. Et tenez-vous bien, le coffre-fort, il n’était pas fermé à clé. À l’intérieur, il y avait encore quelques billets de banque, mais pas beaucoup. Le plus intéressant pour nous, c’est qu’il y avait aussi dans le coffre une demi-douzaine de reçus : tous datés du mois de juin, mais d’années différentes, mentionnant une somme de plusieurs milliers d’euros, en espèces pour des travaux de documentations, signés et contresignés par… oui par….

– Par Arlan et Piepie-Vanvan, fit Hugo.

– Tu as tout compris, dit Amédé. Et ce n’est pas tout : à côté du coffre, il y avait une collection de petites mallettes métalliques vides ayant certainement contenu les billets.

Nous avions presque envie d’applaudir. On se contenta de lever nos verres. J’aurais à remercier personnellement le collègue de l’autre brigade. Je passai la parole à Hugo.

– Je serai court. La boulangère tout comme la bouchère – ah nom de Dieu, quelles commères ! – bref, elles ont vu toutes les deux le Charles-Edouard Arlan arriver en taxi dans l’après-midi avec une petite mallette métallique qu’il n’a pas voulu céder à Victor Grumillon quand celui-ci est venu s’occuper des bagages.

– Encore la petite valise métallique, insista lourdement Amédé.

– Vous savez, dis-je, ce que nous avons à faire ?

– Arrêtez Charles-Edouard Arlan ? fit Hugo.

– Pourquoi ? demanda Amédé.

– Bin, parce que c’est louche, répondit Hugo.

Bon ! Mes gendarmes avaient assez réfléchi. Je m’étais bien reposé. Il fallait que je reprenne en main la suite de l’enquête. Après avoir contourné l’auberge et avoir pris des gants en latex et le matériel de prise d’empreinte dans notre véhicule, j’annonçai le programme :

– Nous allons fouiller l’étage en général et la chambre de Victor Grumillon en particulier.

– Pourquoi la sienne tout spécialement ? demanda Hugo.

– Allez, entre, je t’expliquerai.

Dans la chambre numéro 3, celle d’Arlan, je demandai à Hugo de relever les empreintes sur le tiroir bas de l’armoire. Celui-ci, entrouvert, était complètement vide. Amédé s’était mis à fouiller un peu partout dans la pièce selon son habitude, comme un chien qui renifle.

– Ne te fatigue pas, Amédé. Tu ne trouveras rien ici. En tout cas, pas l’argent. Allons voir ailleurs.

– La chambre de Crolle, dit Hugo.

– Non. Amédé et moi l’avons déjà contrôlée. Et Amédé y a trouvé le manuscrit.

– Quand même pas la chambre du mort ? fit Amédé. Il doit commencer à sentir, maintenant.

Je ne relevai pas et ouvris la porte de la chambre d’en face, la numéro 2, celle de l’aubergiste Grumillon. Hugo me reposa la question sur le pourquoi du particulier spécifique à Grumillon, comme il me le formula. Je fis ma réponse en quatre points :

– Point numéro un : Arlan ne peut s’être lui-même volé. Point numéro deux : même si Piepie-Vanvan avait volé la mallette et même si cela lui avait coûté la vie, l’argent ne se trouve pas dans sa chambre ; nous l’avons fouillée. Point numéro trois : Crolle est peut-être un voleur de manuscrit, il n’est pas un voleur d’argent ; il en avait même proposé à Piepie-Vanvan pour avoir le manuscrit à la place d’Arlan. Point numéro quatre : il reste Victor Grumillon, le bon Victor, le gentil aubergiste, qui a des problèmes d’argent, selon le notaire et maire Dausse, et qui a un trousseau de clé impressionnant, celui-là même que nous avons réquisitionné et laissé sous la tonnelle. D’ailleurs l’examen de la serrure du tiroir où Arlan avait planqué son argent n’indique pas qu’on ait forcé celle-ci. Donc il y a de fortes présomptions pour accuser Victor Grumillon du vol de la mallette métallique et de son contenu.

– Mais qui te dit que la mallette est toujours à l’étage, remarqua Hugo.

– À mon avis, le vol de la mallette s’est produit de la façon suivante : dans la soirée, Arlan reçoit de Piepie-Vanvan les quatre cinquièmes du manuscrit. Il monte dans sa chambre pour le lire. Il ne se couche même pas. Entre une et deux heures du matin, Marou Piepie-Vanvan est tué. Soit par Arlan qui veut récupérer la fin du texte sans le payer, soit par quelqu’un d’autre. Dans ce dernier cas de figure, Arlan se rend compte que son nègre a été tué ou en tout cas qu’il est mort, et fouille la chambre numéro 4 pour s’emparer des derniers feuillets et de la version numérique du texte. D’une manière ou d’une autre, il s’absente de sa chambre pour celle de Marou Piepie-Vanvan. Le vol de la mallette a eu lieu à ce moment. Il ne faut pas deux minutes pour s’introduire dans la chambre numero 3, ouvrir le tiroir de l’armoire, surtout quand on en a les clés, prendre la mallette métallique et refermer le tiroir et la porte de la chambre. Et c’est d’autant plus facile et rapide si on occupe la chambre d’en face, la numéro 2, celle de l’aubergiste.

– Tu es épatant, Antoine, fit Amédé. Mais Victorine ?

– Il me semble peu probable que Victorine ait volé l’argent. Elle dormait au rez-de-chaussée. Il lui était difficile de savoir qu’Arlan n’était plus dans sa chambre pendant peut-être une dizaine de minutes. En fait, pourquoi pas. Pourtant je mise sur son mari, pour le vol de l’argent.

Toutes ces belles paroles dites, il fallait passer aux actes. Hugo se mit à chercher avec ses mains, Amédé avec son nez, moi avec mes yeux. Je restai à l’entrée de la chambre et je scrutai tout l’espace : le plancher, les murs, la fenêtre et le plafond. Le plafond avec son étrange trappe permettant d’accéder au grenier : ouverture fermée à clé et dont l’échelle pour y monter était, d’après l’aubergiste, à la cave.

– Je n’ai rien trouvé, dit Amédé.

– Je ne trouve rien, confirma Hugo.

– Vous ne trouverez rien dans cette pièce, concluai-je.

 

La suite (chapitre 41) dans une semaine, dimanche à 11 heures, dans les toilettes si c’est le seul endroit où on ne vous dérange pas

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