Les Tisserands de la Licorne, roman de Françoise Bourdon, paru en 2005, est un livre qui devrait être lu dans tous les collèges et lycées du Sedanais. Et il devrait, si ce n’est pas déjà fait, être constamment mis en avant sur les présentoirs de la bibliothèque, de la librairie et de la bouquinerie de la ville, ainsi qu’à l’Office de tourisme. Pourquoi ? Mais tout simplement parce que c’est un roman, largement accessible, qui parle de Sedan et de ce qui a fait Sedan. Et l’on sait combien connaître ses racines est un élément essentiel à la constitution d’un(e) citoyen(ne) équilibré(e) qui prend soin de sa personne, de son entourage et de son environnement.Avec Les Tisserands de la Licorne, l’ancrage ardennais est triple : un ancrage géographique avec la ville de Sedan et ses environs, un ancrage historique qui débute avec la guerre Franco-prussienne de 1870 et un ancrage culturel avec l’industrie textile très présente autrefois dans la région.

La première moitié du livre traite non pas vraiment de la Bataille de Sedan (1er au 3 septembre 1870), mais plutôt des lendemains tristes et sévères de la guerre. Avec intelligence, Françoise Bourdon passe rapidement sur les combats. Les livres d’histoire en parlent et c’est leur métier. L’auteur préfère s’arrêter sur ce qui est souvent oublié par les manuels, à savoir la population qui a souffert des journées sanglantes, et qui souffre encore les jours suivants. Raconter les rues encombrées de soldats blessés et désemparés, parler des ambulances où l’on ampute à la chaîne, décrire les ruines fumantes, tout cela en dit plus long que le récit d’une charge héroïque ratée. Le courage des soldats n’est pourtant pas oublié quand, de la lucarne d’un grenier à Bazeilles, on assiste aux derniers tirs de résistance de la maison Bourgerie, plus connue sous le nom de la Dernière Cartouche. Françoise Bourdon nous permet de prendre conscience de l’histoire ardennaise, celle des gens qui, après ces dates historiques et ces faits de guerres, doivent survivre pendant l’occupation.

« C’est la ville des plus beaux draps de France. Tu as des fabriques un peu partout. Elles ont poussé pis que des champignons. »

À travers l’ascension sociale de Joséphine, jeune villageoise issue d’une famille d’ouvriers tisserands, qui finit par diriger une fabrique de drap, on découvre cette industrie qui a fait le renom de Sedan. Tout au long du roman, mais un peu plus après le passage de la guerre Franco-prussienne, François Bourdon nous parle de l’industrie du drap à Sedan, elle passe en revue les différentes étapes de la production qui chacune était un métier à part entière et avait son ouvrier ou son ouvrière. On entend tout un vocabulaire oublié : laineur, planquet, tondeur, rentrayeuse, nopeuse… On se promène dans les manufactures de drap de la ville du rez-de-chaussée jusqu’au grenier. On fréquente aussi bien la foule des ouvriers que l’élite des patrons drapiers. On passe de la tisserande en chambre dans son village aux premiers mouvements revendicatifs des ouvriers stimulés par Jean-Baptiste Clément. On comprend alors combien la ville de Sedan s’est constituée autour des manufactures de drap et combien la disparition de cette industrie a pu être douloureuse. Nous pouvons encore en ressentir les dernières retombées.Et parallèlement à cette évolution industrielle, c’est aussi le décor qui va être modifié. C’est le déclassement de la place forte de Sedan et son démantèlement, ce sont les grands travaux pour ouvrir et agrandir Sedan : une course en avant pour faire oublier la défaite. Tout au long du livre, le Sedanais s’orientera facilement dans les rues et les quartiers de la ville : il se perdra à peine dans celles et ceux d’avant l’extension, se retrouvera parmi les grands travaux qui ont ouvert le ventre des remparts. Une raison de plus pour les Sedanais, jeunes et vieux, de lire ou relire Les Tisserands de la Licorne pour reprendre conscience de l’existence physique de leur ville.

 

Vous pouvez vous procurer le roman de Françoise Bourdon en cliquant sur l’image*

 

(Re)lisez la chronique sur Le maître ardoisier, du même auteur, roman qui parle d’une autre industrie ardennaise :

Le Maître ardoisier, de Françoise Bourdon, mémoires d’ardoise et des Ardennes

* Le lien vers le roman de Françoise Bourdon est un lien affilié.