18. Je n’aime pas la télévision

 

« Tout de suite, chef ! Tout de suite chef ! » Ce n’est pas seulement de la rapidité que je souhaite, mais aussi de l’efficacité ! Après le déjeuner, je change de gendarme. Une demi-journée avec Magogneau, c’est suffisant.

C’était au tour de l’autre client de raconter sa vérité. Il était assis devant moi, toujours en pyjama, et la première chose qu’il avait à dire était :

– Quand pourrais-je aller me changer ? Vous savez, c’est assez humiliant de rester en pyjama dans une cuisine inconnue avec des gens que je ne connais pas.

– Un peu de patience. Je vous assure que vous ne déjeunerez pas dans cette tenue. Pouvez-vous me décliner votre identité et me dire d’où vous venez et ce que vous faites dans la vie ?

– Comme je vous l’ai déjà dit, je m’appelle Roger Crolle. J’ai cinquante ans. J’habite en banlieue parisienne, à Sannois pour être précis, et je passe ma vie à tuer le temps.

– Doit-on considérer cela comme une activité criminelle ?

Il ne répondit pas à ma question, expliqua qu’il faisait pour quelques heures par semaine le prof de français dans un institut privé, proposait quelques piges ici et là à des journaux, faisait aussi parfois de la figuration. C’était un homme un peu fatigué, seuls ses cheveux noirs bouclés semblaient avoir du plaisir à vivre.

– Monsieur Crolle, pouvez-vous me dire ce qui vous a amené à l’auberge des Quatre Étoiles ?

– L’envie de changer d’air. Je souhaite parfois quitter la ville pour aller au vert. Et j’ai dans les Ardennes de lointaines racines. Alors je viens dans le coin, ici et là, pour voir si je ne pourrais pas m’y installer.

– Quand et comment êtes-vous arrivé à l’auberge des Quatre Étoiles ?

– Hier, en fin de matinée. J’ai garé ma voiture sur le côté de l’auberge.

– Bien. Maintenant, pouvez-vous m’expliquer le fait que mon collègue ait dû vous réveiller quand, à deux reprises, vers six heures et vers huit heures, des cris ont été poussés à l’étage ?

– C’est que je dormais profondément. Je suis insomniaque et je prends des somnifères.

– Bon. Maintenant, racontez-moi votre soirée, hier, ici, dans la salle de l’auberge.

– J’étais assis là, à cette table, seul. J’ai dîné. Puis je suis allé me coucher.

– Vers quelle heure ?

– Juste après la fin du match de foot retransmis à la télévision.

– Vous avez donc regardé le match ?

– Non, je l’ai écouté. Je n’aime pas la télévision. Je préfère la radio. Je tournais le dos au poste de télévision.

– Et vous aviez dans votre champ de vision la table des deux autres clients, dont la victime. Vous avez remarqué quelque chose ?

– Non, rien. J’écoutais le match sans l’écouter. Je n’ai rien remarqué. J’étais perdu dans mes rêveries.

– Quel type de rêveries ?

– Vous êtes bien indiscret !

– C’est mon métier.

– Je me voyais habitant la campagne et recommençant ma vie.

Ça me fait toujours quelque chose quelqu’un qui parle aussi sérieusement de recommencer sa vie, de reprendre tout à zéro ou de donner un coup de barre aussi radical que plus rien n’est comme avant.

– Chef, j’ai le numéro de téléphone de l’autre brigade. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

– Laisse-moi tranquille, Magogneau.

 

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