La Forge au loup, c’est le premier des quatre romans ardennais de Françoise Bourdon, paru en 2001 aux Presses de la Cité. Parlons tout de suite de l’ancrage géographique, puisque c’est l’une des conditions nécessaires pour faire partie de la bibliothèque de la Cacasse littéraire. Si vous voulez fouler le sol ardennais au fil de cette lecture, La forge au loup vous offre quasiment à chaque page de quoi suivre les personnages au bord de la Meuse, dans la vallée du même nom, non loin de Monthermé, de la Semoy, pas trop loin des Hauts-Buttés, des Hautes-Rivières ou de Charleville. On sait où l’on va, même si l’action du livre se déroule il y a plus de cent ans.
« Les brumes de Meuse venaient à peine de se dissiper. Des écharpes légères flottaient encore au-dessus du fleuve. Le bourg tout entier sentait le café, dont les ouvriers et, surtout les ouvrières, faisaient un usage immodéré. »
L’ancrage culturel est évidemment présent à chaque chapitre. Il s’agit surtout, comme l’annonce le titre du roman, l’industrie : la boulonnerie et les clouteries. Françoise Bourdon nous fait revivre aussi bien la vie des ouvriers dans les ateliers que celle plus solitaire du clôteux et de son moteur à puces. Elle décrit les détails techniques de ces métiers, mais surtout les dures conditions de travail des ouvriers à la fin du XIXe siècle et les luttes qui y sont attachées, avec la présence de Jean-Baptiste Clément et des idées hygiénistes.
Une grande partie de la société d’alors y est représentée, n’oubliant pratiquement personne : patrons et ouvriers, maîtres et domestiques, gens du cru et immigrés. Tous les âges : des enfants travaillant à l’usine jusqu’au vieux qui s’éteint sur la forge de sa boutique, en passant par l’ouvrier qui finit ses journées au cabaret quand la femme enceinte s’épuise aux tâches ménagères après une journée d’atelier. Des caprices vestimentaires de la jeune bourgeoise aux intransigeances de la vieille propriétaire. De la bonne à tout faire à peine entrée dans l’adolescence à la vieille cuisinière qui semble faire partie de la famille. Voilà une raison supplémentaire de lire ce livre de Françoise Bourdon. Car mesdames et messieurs les Ardennais, sans aucun doute, l’un ou l’une de vos ancêtres se trouvent d’une manière ou d’une autre parmi les personnages de ce roman. Lire La forge au loup, c’est une façon de rendre hommage à vos arrière-grands-parents qui ont fait les Ardennes il y a plus d’un siècle.
La forge au loup, c’est aussi l’histoire de quelques femmes, figures chères à Françoise Bourdon, principalement celle d’Hermine qui est tiraillée entre le désir de changement et les lourdeurs de la tradition, aussi bien sur le plan sentimental que sociétal. C’est aussi une histoire d’amitié entre une bourgeoise et une ouvrière. Le roman offre les destins croisés de nombreux personnages que le destin de la Première Guerre mondiale va bouleverser.
Le dernier tiers du livre est consacré d’ailleurs à l’occupation allemande des Ardennes entre 1914 et 1918. La guerre est une donnée capitale dans les romans ardennais de Françoise Bourdon, que ce soit celle de 1870 (cf. Les tisserands de la Licorne) ou qu’il s’agisse de la Grande Guerre (cf. Le maître ardoisier ou Le bois de lune). En lisant ces pages, on pourrait se demander si ces guerres et ces occupations n’auraient pas affaibli significativement le département des Ardennes au point qu’il lui semble difficile de s’en relever. À en croire Françoise Bourdon, il est effectivement difficile d’évoquer les Ardennes sans parler de ces conflits que le département a connus en moins de cent ans. Un autre hommage à nos aïeux qui ont souffert l’occupation.
Finissons par une note plus légère et gastronomique, le menu servi à l’héroïne et à son amant dans une auberge au bord de la Semoy :
« … des cailles aux myrtilles, des écrevisses ébouillantées dans du vin blanc, une fricassée de pommes de terre, suivies d’un gâteau roulé aux framboises. »
Vous avez déjà La forge au loup dans votre bibliothèque ? Très bien, relisez-le !
Vous venez juste de le relire ? Parfait, prêtez-le à une connaissance !
Vous ne l’avez pas encore ? Courez vite chez votre bouquiniste ou votre libraire, ou cliquez sur le lien ci-dessous.
Deux autres romans de Françoise Bourdon ont été chroniqués dans la Cacasse littéraire, allez-y faire un tour…
Les Tisserands de la Licorne, de Françoise Bourdon, triple ancrage ardennais
Le Maître ardoisier, de Françoise Bourdon, mémoires d’ardoise et des Ardennes
Laisser un commentaire