9. Ça, c’est une cuisine !
– Allons maintenant jeter un coup d’œil à la cuisine, dis-je à moi-même plus qu’à Hugo Magogneau, car celui-ci devait rester en faction dans la salle de l’auberge.
Ma première impression fut brouillonne à cause des six personnes, plus mon second gendarme, qui se tenaient debout et qui, pour certains, protestèrent dès qu’ils me virent. Je demandai à Madédée de me pousser tout ça dans la salle à côté. Resté seul avec Amédé Madédée, je pouvais enfin me faire une idée de la cuisine.
Quelle cuisine ! Une grande table trônait au milieu, avec un banc, des tabourets et des chaises dépareillées. On pouvait y tenir au moins à douze. Et sur le côté, il y avait une immense cuisinière à bois, un magnifique outil en acier, fonte, cuivre et émail. Un truc énorme sorti d’une usine de la Vallée de la Meuse, avec deux fours, une plaque de cuisson pour une batterie de cuisine digne des grands chefs. Les casseroles et les poêles étaient accrochées au mur sur toute sa longueur. L’étincelant du cuivre contrastait avec le noir profond de la fonte et le bleu dense de l’acier.
– Antoine ? Ça va ?
Et bien sûr, sur le côté, une réserve de bois bien sec. Un petit réchaud à gaz se tenait dans un coin sur une petite table, avec sa grosse bouteille de butane en dessous. Certainement pour les cas de figure où il fallait faire au pied levé chauffer le petit-déjeuner des clients. Une armoire frigorifique, large et haute, robuste : bien rangée, on pouvait certainement y mettre un bœuf en morceaux, ou deux cochons. En face de la belle cuisinière à bois se tenait, de l’autre côté de la table, un buffet aux proportions inhabituelles : au bas mot, c’était deux bahuts mis l’un à côté de l’autre, surmontés d’une armoire-bibliothèque aussi large, mais moins profonde, avec quatre portes vitrées.
– Eh, Antoine ! Qu’est-ce qu’il y a ?
Dans la partie haute du buffet, il y avait un arc-en-ciel de fruits cuits : une superbe collection de pots de confiture ! La verroterie dépareillée avait au moins cent ans. La vaisselle, elle aussi, avait vu plus d’un siècle de gastronomie familiale et régionale, et sans aucun doute aussi la gastronomie classique française. J’ouvris la partie basse, quatre portes pleines : des plats de faïence, des terrines de toutes formes et de toutes tailles, poissonnières – dont une turbotière – et braisières en cuivres, des moules en acier, d’autres en terre cuite. À côté de ce meuble fantastique, au sol, il y avait deux sacs de jute, pleins et ouverts, le plus gros contenant des noix, le plus petit des noisettes. Au plafond, un crochet retenait, habillé de gaze blanche, un gros jambon d’Ardenne.
– Eh oh ! Gendarme Antoine Fabert ! Il faut se réveiller !
Deux fenêtres et une porte vitrée donnaient sur le jardin. On pouvait y voir un magnifique potager bordé de fleurs, une tonnelle au fond, couverte d’une vigne prometteuse, et protégeant une petite terrasse avec un mobilier en acier léger.
– Eh ! Antoine ! fit Amédé en me secouant.
– Hein, qu’est-ce qu’il y a ?
– Il y a que… rien. Qu’est-ce qu’on mange au déjeuner ?
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