Les ‘dits’ sont des poèmes narratifs à la première personne, destinés à être récités. Je ne sais pas si, avec Les dits de Camille Mauperon d’Harcy, nous avons affaire à de la poésie, mais le reste de la définition colle parfaitement avec les deux récits proposés en 1989 par la Société des Écrivains Ardennais. Quoique certains passages puissent être comparés à de la poésie épique, qui, toujours selon le dictionnaire, évoque des événements historiques magnifiés, ici par l’enthousiasme, la nostalgie, parfois la douleur.Illustration d'Yves Kretzmeyer

Les deux dits ont été récoltés par Claude-Edmond Braulx, dans les années 1970 auprès de Camille Portebois, d’André Dauperon et d’André Mauviel. Une tradition qu’il ne faudrait pas perdre et qui a pu donner à une autre époque et dans d’autres pays les contes d’Andersen ou des frères Grimm. Ce trio donnera à l’auteur de ces dits un prénom et un nom. Il est certainement devenu impossible au XXIe siècle de récolter de première main des récits des années 1900 à 1918, mais pourquoi ne le fait-on pas pour la seconde moitié du XXe siècle. Je vous invite à parcourir nos Ardennes pour recueillir les dits, les dires de nos aïeux. Que vous en fassiez après un texte littéraire ou non, en fait, qu’importe.

Le narrateur, Camille Mauperon, nous raconte la vie du village d’Harcy, , entre Rimogne et Renwez, à mi-chemin de Rocroy et de Charleville. Il le fait sur le ton parlé que les anciens auraient pu prendre lors des veillées auprès de l’âtre.

Extrait du Dit de la Saint Méen

Illustration d'Yves Kretzmeyer

Camille Mauperon nous parle des Ardennes industrieuses, car il y avait près d’Harcy une ardoisière, mais aussi est surtout des Ardennes agricoles du début du XXe siècle. Ne sommes-nous pas à la campagne. Les yeux de l’enfant, qu’a été Camille, nous racontent les travaux liés aux saisons. Le dit du Méen finit en apothéose par le récit de la fête du Saint du même nom. Un point culminant de joie, de bonheur, avant le second dit, plus grave, celui de la Grande Guerre. Évidemment, dans ce second dit, il est question de l’occupation des Ardennes par l’armée allemande, avec la peur des Uhlans, les réquisitions, les privations et parfois les dénonciations.

Et malgré ce second cadre dramatique, il y a aussi de nombreuses anecdotes drolatiques où berner l’occupant devient un sport tout autant qu’une question de survie. Il y a par exemple l’anecdote des chèvres du village. Je n’en dis pas plus, vous pouvez par ailleurs la voir illustrée par Yves Kretzmeyer qui a repris cette histoire dans son recueil de bandes dessinées Histoires de dires (vous pouvez lire sa chronique ici). On apprécie par ailleurs dans ce double récit de Camille Mauperon les illustrations de Kretzmeyer, ses planches et toutes ses vignettes qui ponctuer régulièrement les paragraphes.Illustration d'Yves Kretzmeyer

Il est bon qu’un texte ardennais s’ancre dans un coin peu documenté du département ; on parle beaucoup de la remarquable Vallée de la Meuse, de Charleville ou de Sedan, mais moins des petits patelins perdus dans le reste des Ardennes. C’est ici chose faite, et c’est bien. Raison de plus de caler Les dits de Camille Mauperon d’Harcy parmi les autres livres de la bibliothèque de la Cacasse littéraire.

Les dits de Camille Mauperon d'Harcy

Vous pouvez – j’espère bien – trouver le livre dans vos bibliothèques municipales, avec un peu de chance dans vos bouquineries favorites,

ou peut-être restent-ils quelques exemplaires à la librairie Rimbaud de Charleville.

Tentez internet et par exemple la librairie en ligne des Racines d’Ardennes.

Si vous aimez les récits de nos villages illustrés par Yves Kretzmeyer, cliquez ici :

Le dernier train, d’Yves Kretzmeyer, ne loupons pas celui du patois